
Sacha, le pêcheur Sibérien
Après une semaine en autonomie autour du Lac Baïkal, je décide de rejoindre la civilisation sur l’île Olkhon. C’est la plus grande île du lac et également l’endroit le plus touristique. Il ne me faut qu’une journée pour sortir de ma forêt et rejoindre en stop Khoujir, le village principal. Je me trouve une petite guesthouse fort sympathique et redécouvre avec extase le confort d’un lit et d’un oreiller, en attendant de repartir vers de nouvelles aventures.
La folie des Chinois sur le Baïkal
Au réveil, je me balade dans les ruelles en terre de Khoujir et j’ai l’impression d’être déjà arrivé à Pékin… L’île est assaillie de touristes Chinois !! C’est assez impressionnant, certaines devantures de magasins et de restos sont mêmes écrites en Chinois. Je m’empresse de faire mon sac, d’acheter de la nourriture pour 4 jours et de fuir ce Chinatown sans âme. On m’apprend à la guesthouse que les Chinois restent en général une semaine entière dans la ville et se paient une excursion à la journée en van d’ex URSS qui les amènent tout autour de l’île. Je décide alors de partir avec un groupe de Chinois le lendemain, et de les quitter à la mi journée, quand le van sera à l’extrême nord de l’île. Ainsi, j’aurais 100km de randonnée pour rejoindre la ville de départ, et 4 jours devant moi. Ça s’annonce parfait !

La vue depuis le van
Le trajet en van est complètement hallucinant. Toutes les excursions partent à la même heure depuis Khoujir. Environ 30 vans contenant 10 Chinois chacun prennent la route à 10h du matin et suivent le même itinéraire en s’arrêtant aux mêmes endroits au même moment. Ce qui fait que sur les 3 arrêts avant le Nord de l’île, 300 touristes, en doudounes multicolores et appareils photos autour du cou déambulent à travers les vans et prennent la même photo. Je ne sors même pas du van. Je reverrais ces paysages en marchant seul dans les jours qui suivent, je ne veux pas me gâcher le plaisir de les regarder pour la première fois avec une bande de Chinois qui fument leur clopes et les écrasent par terre…

Le passage du Klondike
Je quitte mon van dès l’arrivée à la pointe Nord de l’île. Je paie le chauffeur un tiers du prix du tour organisé, et je me mets à marcher avec mon gros sac sous l’œil éberlué des Chinois qui se demandent qu’est ce qu’il peut bien me passer par la tête.
Bon j’ai été un peu dur avec les Chinois dans ce paragraphe. Pour mon karma et parce que je suis actuellement en pleine galère d’obtention du visa Chinois en Mongolie, sachez que je ne juge personne. Tout le monde n’a pas la chance comme moi de pouvoir démissionner d’un travail et de partir voyager 4 mois. Ni même le luxe d’avoir 5 semaines de congés payés par an. La plupart de ces touristes Chinois font des heures de travail ahurissantes pendant des années juste pour pouvoir se payer une semaine de vacances au lac Baïkal, et je peux comprendre qu’ils ne peuvent pas se permettre de partir camper pendant 4 jours. Ils veulent voir un maximum de paysages, rester entre potes ou en famille et franchement, si j’avais une semaine de vacances tous les 36 du mois, je ne sais pas si j’agirais autrement. Donc voila, ne jugeons pas trop vite, tout le monde a une façon différente de prendre du bon temps.
Début de la rando et une rencontre intéressante

Enfin seul !
A peine 200 mètres de marche au Sud de la pointe de l’île, l’endroit est désert, et ce n’est pas plus mal ! Je me mets en route au milieu de la steppe en longeant ces magnifiques falaises. C’est paradisiaque !! Mon objectif pour ce soir est de rejoindre le micro-village de Uzur, sur les rives du Baïkal. Je compte y passer la nuit et repartir le lendemain, traverser l’île d’Est en Ouest et de continuer à longer l’autre rive jusqu’à revenir à la ville de départ. Evidemment, ce ne s’est absolument pas passé comme prévu.

Lookbook d’été : raté
Après environ quatre heures de marche splendides, j’arrive à Uzur. Le village est composé d’une vingtaine de bicoques en bois. Pas de resto, pas d’hôtel, même pas de quoi acheter à manger. Heureusement que j’ai amené le nécessaire dans le sac. J’essaie de me faire deux trois potes dans le village mais les habitants n’ont pas l’air très décidé à faire ami ami. Qu’à cela ne tienne, je m’éloigne et pose ma tente sur le versant de la vallée, à une centaine de mètres d’une autre tente, qui est pour l’instant fermée, avec deux 4×4 à côté. Peut être eux seront-il plus amicaux ! (Spoiler : oui)
Je profite du coucher du soleil pour essayer d’attraper du poisson. Malgré une semaine passée au bord du lac avec deux heures de pêche par jour, je n’ai toujours rien chopé. Peut être serai-je plus chanceux ici ! (Spoiler : non)

Nico le pêcheur de Sibérie
Au bout d’une demi-heure, deux zodiacs passent juste devant moi et regagnent le rivage. Ce sont mes voisins. Il sortent de l’eau et viennent se foutre de ma gueule. Apparemment il y a 0 chance d’attraper du poisson si on ne part pas au large en bateau. Je leur demande combien ils en ont eu aujourd’hui : réponse 0 ! Grillé ! Je me fous à mon tour de leur gueule et ça leur plait. Ils m’invitent à manger dans leur tente ! Après la première bouteille de vodka, je connaissais tout de mes hôtes. Sacha, Alexeï, Nikolaï et Greta sont de joyeux lurons qui habitent à Irkoutsk. Ils travaillent dans l’aérospatial et sont enchantés de savoir que je suis né près de Toulouse (scoop) où ils vont souvent travailler.
Sacha et Greta sont mariés, ils ont la soixantaine. Je n’ai pas bien compris le lien entre eux et Nikolaï et Alexeï qui ont eux la quarantaine. Je n’ai quasiment rien compris d’ailleurs car ces lascars ne parlaient pas un mot d’anglais. Mais au cours de la soirée, la vodka a fait son office et la barrière de la langue ne nous a pas empêché de passer une super soirée !

La bande à Sacha
Tempête sur le Baïkal
A 5h du matin, Sacha me réveille en secouant ma tente. Je ne comprends pas un mot de ce qu’il dit mais il me met un gilet de sauvetage dans les mains et me fait signe de le suivre. Pendant que sa femme dort, Sacha a décidé de se faire la belle et d’aller pêcher ! Alexeï et Nikolaï sont aussi de la partie. Après un petit dèj à base de thé au lait, de pain rassis et de saucisson de taureau, je les aide à préparer le matériel et à mettre à l’eau les zodiacs. A 6h, on est parti !!

Pas réveillé et pas rassuré !!
Le trajet est magnifique. On passe en zodiac au bord des gigantesques falaises plongeant dans le Baïkal. Je mets quelques minutes à réaliser ce que je suis en train de vivre… La journée s’annonce parfaite, on devrait être de retour vers 11h et je pourrais reprendre la rando. Mais ça, c’était avant le drame.

Le trajet en zodiac

Sacha et moi dans la place !
Après 45mn de pur bonheur, j’entends Sacha téléphoner à Alexeï dans l’autre zodiac, qui a pris un peu d’avance sur nous. Je ne comprends rien, mais ils font demi tour. Nous aussi et on commence à rebrousser chemin. Je me tourne vers Sacha qui me regarde et me dit « chtorm ». Tempête. Je ne m’étais pas rendu compte que le lac était agité. Nous allions dans le même sens que les vagues, tout semblait normal. Mais dès l’instant où on a fait demi tour, la moindre petite vague se déversait dans le bateau, en m’aspergeant par la même occasion. Sacha a bien essayé d’aller lentement, mais le retour fut un calvaire. Pendant 1h30, je me suis fait tremper jusqu’aux os par les eaux à 8 degrés du Baïkal. Je ne pouvais quasiment pas respirer. C’était encore pire que de se baigner dedans, car j’étais trempé mais à l’extérieur en plein vent. Un enfer. Tout le chemin du retour j’ai dû écoper le bateau pendant que Sacha tenait la barre…

Retour glacé sous la tente
Évidemment, j’avais enfilé tous les vêtements que j’avais pris pour la rando. De retour à la tente, tout était détrempé et je n’avais plus rien à me mettre. Même pas de chaussures qui elles en avaient pris pour leur grade au point que je pouvais les essorer. Sacha m’a gentiment prêté des habits, et Greta a fait tremper (de force) mes mains dans de l’eau bouillante. Il parait que ça évite d’être malade. En tout cas, ça brûle.
Le bilan : il me reste trois jours de rando, je n’ai plus aucun vêtement ni chaussures de secs et il pleut des cordes dehors. Le calcul est vite fait : je me barre. Je n’ai aucunement envie de m’infliger la souffrance de marcher 3 jours sous la flotte avec des habits et des pieds mouillés. Où est le plaisir ? J’aide donc mes nouveaux amis à plier leur camp et ils me ramènent à la ville à temps pour la demi-finale de la Coupe du Monde France Uruguay. Même si je n’ai pas vu tous les paysages de l’île, je ne regrette absolument pas cette (més)aventure. C’était une expérience unique et au moins, aucun Chinois n’a pu la prendre en photo 🙂
L’avancement du voyage
Episode précédent : En autonomie autour du plus grand lac du monde
Episode suivant : Rencontres et aventures en auto-stop entre la Sibérie et la Mongolie
– Nicolas